Être adulte et jouer aux jeux vidéo peut encore étonner. Si certains y voient une activité puérile, d’autres peinent à comprendre comment cette passion peut résister à l’épreuve du temps. Pourtant, les jeux vidéo continuent de faire battre le cœur de millions d’adultes, dont la relation avec ce média ne cesse d’évoluer.
Des préjugés tenaces sur la légitimité des jeux vidéo
Dès qu’on évoque les jeux vidéo dans une conversation en dehors des cercles de passionnés, les réactions sont souvent révélatrices d’un profond malaise. Pour beaucoup, parents, amis, ou collègues, les jeux sont perçus comme une activité enfantine, voire inutile. Ce jugement, répandu, est souvent accompagné d’un regard interrogatif, voire condescendant, notamment lorsqu’il s’agit d’en faire son métier ou une passion assumée à l’âge adulte.
Dans cette logique, on peut entendre des phrases telles que :
« Tu joues encore à ça ? » ou bien « Tu ne devrais pas faire quelque chose de plus productif ? »
Ces remarques traduisent une vision datée du média, incapable de reconnaître la richesse culturelle et émotionnelle qu’il peut offrir. Les jeux restent stigmatisés, perçus comme inappropriés pour ceux qui ont dépassé l’adolescence.
Ce fossé générationnel se heurte aussi à une forme d’élitisme au sein même de l’industrie, où certains genres ou manières de jouer sont valorisés, tandis que d’autres sont dépréciés. Le jeu vidéo, pourtant multiforme, est ainsi prisonnier de préjugés diffus.
Un média qui a grandi avec sa génération
Pourtant, les jeux ont traversé les décennies et ont grandi avec ceux qui y jouent. Des premiers pixels affichés sur un écran aux mondes ouverts ultra-réalistes d’aujourd’hui, les jeux se sont transformés, mûris, et raffinés à mesure que leurs utilisateurs devenaient adultes.
Ce parcours partage souvent des souvenirs communs : la Game Boy dans les mains, les premiers sauts dans Mario, les heures passées à explorer les routes de Pokémon ou les combats dans Street Fighter. Ces moments sont ancrés dans la construction d’une identité générationnelle. Les anciennes générations de joueurs ne disparaissent pas, elles évoluent, s’adaptent à leurs réalités et conservent leur passion.
Oublier de reconnaître cette évolution revient à ignorer une part essentielle de l’histoire technologique et culturelle du XXIe siècle.
Une expérience de jeu qui change avec le temps
Lorsque l’on grandit, ce ne sont pas les jeux qui deviennent fatigants, ce sont souvent nos attentes qui changent. Là où, plus jeunes, on adorait se perdre dans des mondes gigantesques et infinis, on aspire désormais à une expérience plus ciblée, plus riche de sens.
Ce changement est naturel. Il n’est pas lié à une perte d’intérêt, mais plutôt à une redéfinition de ce que l’on attend d’un jeu. Certains joueurs préfèrent aujourd’hui :
- Des récits intimes et forts, plutôt que des aventures épiques interminables
- Des mécaniques claires et bien conçues, plutôt que des systèmes complexes
- Une durée de jeu contenue, mais marquante, plutôt qu’une centaine d’heures sans fil conducteur
Ce choix est celui de la qualité sur la quantité, du sens sur la performance. Les jeux ne sont plus là uniquement pour occuper le temps, ils sont choisis, savourés, vécus.
Jouer moins, mais jouer toujours
Peut-être que l’on ne joue plus à tout ce qui sort. Peut-être qu’on ne suit plus chaque bande-annonce ou chaque présentation d’un éditeur. Mais ce détachement est loin d’être un adieu. Il s’agit plutôt d’un recentrage sur ce qui résonne réellement. La passion n’a pas disparu, elle s’est transformée.
Le joueur adulte ne cherche plus à prouver qu’il joue, il joue parce que cela fait partie de lui. Il peut passer des semaines sans lancer un titre, puis s’immerger dans une aventure pendant quelques soirs — et cela suffit. Le jeu fait désormais partie d’un équilibre plus large : travail, famille, ambitions personnelles.
Cette transformation est une richesse plus qu’une perte, un témoignage de la capacité des jeux à s’adapter aux changements de la vie.
Un plaisir intemporel et individuel
La question « À quel âge devient-on trop vieux pour jouer ? » trouve une réponse limpide : on ne l’est jamais. Car jouer n’est pas un acte réservé à l’enfance ; c’est une façon de vivre, de ressentir, d’apprendre. Ce qui change, ce n’est pas le fait de jouer, mais comment et pourquoi on le fait.
Il n’y a aucune honte à aimer les jeux vidéo à 30, 40 ou 70 ans. Il y a au contraire une forme de courage à rester connecté à cette source de créativité et de liberté. Ce lien avec le jeu peut parfois s’estomper, mais il ne disparaît jamais totalement. Et peut-être qu’un jour, face à un monde ouvert nouveau ou à une perle narrative inattendue, la magie opèrera à nouveau, comme au premier jour.
Continuer à jouer, c’est accepter d’évoluer avec un art qui lui aussi ne cesse de grandir.