Après plusieurs générations jugées décevantes, la licence Pokémon semble à la croisée des chemins. Les jeux principaux stagnent, peinant à convaincre autant les fans historiques que les nouveaux venus. Et si la franchise s’inspirait d’un modèle inattendu : celui de Call of Duty, pour se réinventer durablement ?
Un cycle d’innovation au point mort
Ces dernières années, les critiques à l’égard des titres principaux de Pokémon se sont multipliées. Les épisodes Pokémon Épée & Bouclier puis Pokémon Écarlate & Violet ont été pointés du doigt pour leurs graphismes datés, leurs mondes ouverts peu inspirés et un manque global de finition. Si les ventes se portent toujours bien, l’engouement critique, lui, tend à s’effriter.
Le véritable souci réside dans une formule qui tarderait à évoluer, malgré quelques tentatives timides. D’anciens opus comme Pokémon Noir 2 & Blanc 2 offraient pourtant déjà des expérimentations intéressantes avec un Pokédex jusqu’au post-jeu totalement renouvelé ou encore l’introduction d’un mode difficile. Malheureusement, ces démarches n’ont pas été poursuivies dans les générations suivantes.
Des spin-offs qui osent… et réussissent
Étonnamment, ce sont les spin-offs de la franchise qui ont apporté un vrai vent de fraîcheur ces dernières années. Pokémon Légendes : Arceus, en particulier, a su proposer une approche moderne, avec un gameplay de capture dynamique et une forte immersion. Développé par Game Freak, ce titre a prouvé qu’un Pokémon différent pouvait trouver son public et séduire.
D’autres productions comme New Pokémon Snap, confié à Bandai Namco, ont également su innover, en misant sur l’exploration et la photographie de créatures dans des environnements riches et vivants. Contrairement aux jeux principaux récents, ces spin-offs ont reçu un accueil critique bien plus enthousiaste.
Mais tant que ces projets sont étiquetés comme « annexes », leur portée reste limitée. Ils sont perçus comme expérimentaux, pas comme des éléments majeurs de la licence. Et c’est précisément ce paradigme qu’il faut remettre en question.
Le modèle Call of Duty : une solution viable
C’est ici qu’intervient l’exemple de Call of Duty. Cette série de jeux de tir repose sur une rotation entre trois studios majeurs : Infinity Ward, Treyarch et Sledgehammer Games. Chacun dispose d’un cycle de trois ans pour développer son propre titre, garantissant ainsi des sorties annuelles sans épuiser la créativité ni compromettre la qualité.
Pokémon pourrait adopter une méthode similaire. Plutôt que de reposer uniquement sur Game Freak — qui assume déjà un calendrier très exigeant — il serait judicieux de répartir la charge de travail. Des studios comme ILCA (responsable des remakes Diamant Étincelant & Perle Scintillante) ou Bandai Namco pourraient être intégrés à cette rotation régulière.
Une telle organisation permettrait à chaque jeu de bénéficier de plus de temps de développement, à l’ensemble de la série de se renouveler plus facilement et à d’autres idées de voir le jour. Cela ouvrirait la voie à une pluralité créative dont la franchise a bien besoin.
Changement de perception indispensable
Ce n’est pas tant une révolution de structure qui manque à Pokémon, mais un changement de regard. Tant que les jeux qui osent s’éloigner du RPG classique sont considérés comme des à-côtés, ils n’auront jamais le même poids créatif et narratif. Il ne suffit pas de confier des projets à des studios tiers, encore faut-il leur accorder une place au centre de la stratégie.
En revalorisant ces productions innovantes, Nintendo pourrait faire entrer la série dans une nouvelle ère. Il ne s’agirait plus simplement de diversifier l’offre, mais bien de repousser les limites de la formule Pokémon. Une façon efficace d’éviter la lassitude d’un public de plus en plus exigeant.
Ce processus passerait aussi par l’acceptation que le RPG au tour par tour dans des routes linéaires ne doit plus être l’unique visage de la licence. L’innovation devrait devenir la norme, pas l’exception.
La Génération 10 comme point de bascule
Avec les attentes placées dans la future Génération 10, c’est tout l’avenir de la série qui est en jeu. L’adopter comme une simple suite du passé, c’est risquer de prolonger une stagnation étouffante. À l’inverse, en s’inspirant du modèle Call of Duty et en répartissant mieux les responsabilités créatives, la série a toutes les cartes en main pour retrouver son statut de référence.
Donner plus de temps de développement, impliquer plusieurs équipes, encourager les visions différentes : autant d’étapes qui permettraient à Pokémon de sortir de son cycle répétitif.
Il ne tient qu’à Nintendo de voir dans ces signaux les signes d’un monde qui change, et d’oser enfin confier son joyau à des mains différentes. Parce que Pokémon peut mieux faire. Parce qu’il l’a déjà prouvé.