Epic Games multiplie les gestes pour séduire développeurs et joueurs. La plateforme propose désormais un partage de revenus avantageux, loin des pratiques jugées abusives d’Apple, Google ou même Steam. Si l’Epic Games Store souffre encore de certains défauts, il redessine peu à peu l’économie du jeu vidéo en ligne au profit des créateurs.
Une politique de revenus bien plus favorable aux développeurs
Depuis cette annonce, Epic Games attire l’attention par sa décision de ne pas prélever de commission sur le premier million de dollars de revenus réalisés chaque année par une application hébergée sur l’Epic Games Store. Une mesure qui s’adresse particulièrement aux développeurs indépendants ou émergents et leur permet de maximiser la rentabilité de leurs productions. Ce seuil dépassé, la répartition reste largement avantageuse : 88 % pour les développeurs et 12 % pour Epic.
Ce modèle contraste radicalement avec celui de Steam. La plateforme de Valve prélève en effet 30 % de commission sur les ventes, un taux qui n’est réduit à 25 % qu’au-delà de 10 millions de dollars générés, et à 20 % au-dessus de 50 millions — un palier que peu atteignent. Cette structure désavantage particulièrement les petits studios, qui peinent déjà à émerger dans un marché saturé.
Les webshops Epic : contourner les monopoles d’Apple et Google
Epic Games frappe également sur un autre front hautement stratégique : les moyens de paiement. La société propose aux développeurs de créer leur propre “webshop” intégré directement sur la boutique Epic, leur permettant d’utiliser des services de paiement tiers bien moins coûteux que ceux imposés par les géants du mobile, Apple et Google.
Ceci fait écho à la récente décision d’un tribunal américain, qui a estimé qu’Apple n’avait pas respecté une injonction antitrust dans une affaire initiée par Epic. Le PDG Tim Sweeney a salué cette décision comme une victoire contre des pratiques anticoncurrentielles et affirme qu’Apple devra désormais autoriser la concurrence dans ses services de paiement. Apple a fait appel, mais cette bataille judiciaire marque un tournant majeur dans la lutte pour une économie numérique plus équitable.
Une aubaine pour les indépendants, malgré des carences ergonomiques
En optant pour l’Epic Games Store au moment de l’achat, les joueurs favorisent une redistribution plus éthique des revenus en direction des créateurs. C’est d’autant plus crucial pour la scène indépendante, souvent privée de visibilité et de financement sur les principales plateformes.
Cela dit, tout n’est pas parfait. L’interface de l’Epic Games Store souffre encore d’un manque d’ergonomie et peine à rivaliser avec l’écosystème robuste de Steam. Même les utilisateurs fidèles admettent que la plateforme ne leur sert souvent qu’à réclamer les jeux gratuits offerts régulièrement par Epic, sans vraiment y jouer.
Une entreprise aux pratiques ambiguës
Epic Games ne peut cependant pas revendiquer une intégrité totale. Ces dernières années, l’entreprise a versé 72 millions de dollars à la FTC pour avoir mis en place des méthodes jugées injustes envers les consommateurs. Elle a également racheté Bandcamp une plateforme musicale respectée avant de licencier la moitié du personnel puis de revendre l’entreprise, un comportement qui a suscité l’indignation.
Tim Sweeney lui-même, PDG emblématique d’Epic, s’est fait remarquer pour des prises de position controversées sur les réseaux sociaux, alimentant les critiques autour de la culture d’entreprise. Cela n’a toutefois pas empêché Epic de lever des millions de dollars au profit des réfugiés ukrainiens, contribuant ainsi à redorer son image.
Steam : un géant aux pieds d’argile
De son côté, Steam reste la plateforme dominante du secteur, mais souffre d’un certain nombre de critiques structurelles. Son algorithme de recommandation est accusé de favoriser les titres populaires au détriment des jeux de niche. De plus, certains titres sont modérés de manière arbitraire, notamment ceux abordant des contenus liés à des sujets sensibles comme la Chine.
Alors que certains projets sont brutalement supprimés sans explication, d’autres jeux, considérés comme de pures escroqueries, restent disponibles. Cette gestion opaque nuit non seulement à la confiance des joueurs, mais surtout à la visibilité des développeurs indépendants, rendus invisibles dans une mer de publications toujours plus dense.
Les limites des autres alternatives
Face à Epic et Steam, d’autres options tentent elles aussi de proposer des alternatives, non sans contraintes. GOG, par exemple, propose une politique plus équitable sur la gestion des droits numériques, mais ne reverse qu’une petite part aux petits développeurs, avec un catalogue centré sur les jeux rétro. Humble Games, autrefois acclamée, se contente désormais de distribuer des clés dédiées à d’autres plateformes, après avoir licencié massivement ses équipes.
Quant à itch.io, il s’agit d’un espace ouvert et accessible, très apprécié pour sa liberté créative, mais il demeure cantonné à des projets expérimentaux ou à très petit budget. Cette orientation volontairement marginale l’éloigne d’une distribution de masse.
Ainsi, à défaut d’un acteur parfaitement vertueux, Epic Games, avec ses nouveaux engagements, représente aujourd’hui l’option la plus viable pour soutenir concrètement les créateurs de jeux vidéo.