Sorti il y a 15 ans, Metro 2033 se distingue encore aujourd’hui par son système moral subtil et troublant. Plutôt que de sanctionner ouvertement les actes du joueur, il laisse l’atrocité s’installer insidieusement, au gré des choix d’Artyom, son protagoniste. Retour sur un jeu qui transforme la guerre en cauchemar silencieux.
Un jeu de tir qui punit l’obéissance
Dans la plupart des jeux vidéo, le mal est spectaculaire. On pense aux rivières de sang des fins maléfiques de Baldur’s Gate 3 ou aux armées de Sith qui s’agenouillent devant le joueur dans Knights of the Old Republic. Metro 2033 s’inscrit dans un monde tout aussi brutal, peuplé de mutants terrifiants, de bandits impitoyables et de militaires autoritaires. Pourtant, il n’y a pas de rires démoniaques ni de triomphe du mal : l’horreur est plus sourde, plus insidieuse.
Le jeu met en scène Artyom, un jeune homme ordinaire plongé dans un univers post-apocalyptique où chaque décision compte. Contrairement à d’autres systèmes de moralité, Metro 2033 ne propose ni jauge visible ni choix évidents. Chaque bonne action – donner une pièce à un mendiant, écouter une conversation – rapporte des points de moralité invisibles, symbolisés seulement par un son et un flash lumineux. À l’inverse, ignorer les autres ou piller les cadavres dans l’indifférence déclenche un signal plus sinistre.
Artyom commence son périple sans ambition guerrière. Pourtant, dès le début, son mentor Hunter lui confie une mission simple : transmettre un message vital aux autorités de la station Polis. Ce qui n’est au départ qu’une faveur personnelle l’amène progressivement à accepter l’horreur. D’abord simple messager, il devient un soldat, accumulant armes et alliés. Chaque étape de son voyage élargit son seuil de tolérance à la violence, jusqu’au moment où il doit faire un choix décisif.
L’illusion du bien dans un monde condamné
Dans Metro 2033, le mal n’est pas un choix binaire entre ange et démon, mais une série de petites décisions. Le jeu encourage l’exploration : chercher des ressources, fouiller les recoins sombres, récupérer des balles de qualité militaire servant à la fois de monnaie et de munition puissante. Mais même dans cet aspect, l’attention aux détails est récompensée. Un joueur curieux découvrira des indices sur le monde, des vestiges d’une humanité disparue et des visions du passé.
Paradoxalement, Metro 2033 est un anti-jeu de guerre déguisé en FPS. Contrairement aux campagnes de Call of Duty, où les objectifs sont clairs et directs, Metro 2033 privilégie une progression labyrinthique et immersive. Il n’indique jamais explicitement le bon chemin, et lorsqu’Artyom est guidé, c’est souvent par un militaire qui l’emmène vers une boucherie inévitable.
Le véritable enjeu du jeu repose sur les “Dark Ones”, des créatures mystérieuses perçues comme une menace existentielle. Hunter affirme qu’ils doivent être anéantis, mais Artyom ne les voit jamais tuer. Il les aperçoit, ils l’observent, mais ils ne l’attaquent pas. À mesure qu’il avance, ils lui envoient des visions du monde d’avant la catastrophe, un message clair : ne refais pas la même erreur.
Là réside la force et la faiblesse de Metro 2033. Si Artyom prête attention aux autres, il peut empêcher un génocide. S’il suit aveuglément les ordres, il devient bourreau. Mais le jeu simplifie une vérité plus complexe : l’horreur ne naît pas uniquement de la brutalité, mais aussi de la bienveillance mal placée. Même les meilleures intentions peuvent mener à des atrocités, comme le montrent l’histoire et la réalité.
L’atmosphère de Metro 2033 renforce cette réflexion. Lumière tamisée, ombres oppressantes, ruines déformées, tout évoque un monde brisé, hanté par ses propres erreurs. Et au cœur de ce chaos, Artyom doit décider s’il deviendra, lui aussi, un fantôme du passé ou un espoir pour l’avenir.