Sorti il y a cinq ans, Animal Crossing: New Horizons reste le plus grand succès de la franchise. Mais en gommant les frictions sociales et les contraintes de gameplay, le jeu a sacrifié une part essentielle de ce qui rendait la série si attachante, au profit d’une expérience plus lisse, mais moins mémorable.
Une île trop lisse pour vraiment marquer
Dans Animal Crossing à ses débuts, vous étiez un étranger dans un village déjà bien établi. Les habitants avaient leur propre rythme, leur propre vie. Ils ne dépendaient pas de vous, et cela se ressentait. Ils pouvaient vous ignorer, se moquer de vos vêtements ou même déménager sans prévenir. Cette distance sociale, parfois rude, ajoutait une texture unique à l’expérience.
En revanche, New Horizons vous place immédiatement au centre du monde. Vous êtes le fondateur de l’île, son représentant officiel, son planificateur, son architecte. Chaque bâtiment, chaque pont, chaque meuble posé à l’extérieur découle de vos décisions. Ce pouvoir total rend l’environnement plus malléable, mais aussi moins vivant.
Les anciens jeux, comme New Leaf, donnaient aussi du contrôle, mais de manière plus subtile. Être maire n’était pas un privilège, c’était presque une corvée. Construire un pont demandait du temps, de l’argent, et la coopération des habitants. L’attente et les limites faisaient partie de la magie : elles donnaient du poids à chaque changement.
Dans New Horizons, tout est rationalisé. Le NookPhone transforme vos journées en une suite d’objectifs à cocher, et les interactions perdent leur spontanéité. Ce n’est plus en discutant avec un voisin que l’on apprend les secrets du jeu, mais en suivant des étapes programmées.
Le confort a remplacé les relations
Dans New Horizons, vous êtes l’origine de la communauté. Rien n’existait avant vous, et rien ne bouge sans votre accord. Même les villageois peuvent être choisis via les cartes Amiibo, et si l’un d’eux veut partir, vous pouvez simplement lui dire non.
Ce contrôle total appauvrit le lien que vous développez avec eux. Dans les anciens jeux, il fallait gagner leur affection. Ils pouvaient vous critiquer, douter de vous, voire vous ignorer au début. La progression se faisait à travers des échanges simples mais significatifs, où seuls leurs dialogues trahissaient leur opinion sur vous.
Cette incertitude relationnelle, ce flou, donnait du relief aux interactions. Aujourd’hui, tout est lisible, calibré, sans surprise. Tom Nook, autrefois figure ambiguë de commerce local, est devenu un manager d’entreprise tech.
L’île n’a plus rien de sauvage ni de mystérieux : c’est un projet, un espace à optimiser. Même la boucle de gameplay, autrefois brève et respectueuse du temps du joueur, est devenue un engagement quotidien intense. Loin des sessions courtes et paisibles d’antan, New Horizons vous donne toujours quelque chose à faire, jusqu’à épuisement.
La réussite commerciale de New Horizons rend probable que la suite suive la même voie. Pourtant, on peut espérer un retour aux sources, vers une expérience plus restreinte, mais plus humaine, où le joueur n’est pas le dieu de son île, mais un voisin parmi d’autres.